Depuis le 10 mai 2018, de nombreux séismes se sont produits au large de Mayotte, certains largement ressentis par les habitants. Les observations accumulées jusqu’ici suggèrent un phénomène mêlant séismes et volcanisme sous-marin. À partir du 23 février 2019, plusieurs missions à terre et en mer coordonnées par le CNRS, avec le soutien du BRGM, de l’Institut de physique du globe de Paris (IPGP), de l’IGN, de l’Ifremer et du ministère de la Transition écologique et solidaire, vont tenter de faire la lumière sur les mécanismes à l’œuvre, ce qui permettra de mieux estimer les impacts potentiels.
Depuis neuf mois, Mayotte connait une activité sismique soutenue. Malgré une couverture sismologique assez pauvre eu égard à la sismicité modérée de la région, le suivi a été assuré par le BRGM à partir de trois stations sismologiques installées sur l’île, complétées par d’autres stations régionales plus éloignées, notamment aux Comores et à Madagascar. Les analyses réalisées par le BRGM, l’IPGP, l’École et observatoire des sciences de la Terre (CNRS/Université de Strasbourg) et l’Observatoire volcanologique du Karthala (CNDRS1, Grande Comore) ont déjà permis une meilleure interprétation des signaux sismiques.
Ainsi, plus 1600 séismes, localisés à 50 km à l’est de Mayotte, ont été enregistrés. Parmi eux, 29 évènements de magnitude supérieure à 5 ont été largement ressentis par la population de l’archipel et ont, par endroits, affecté le bâti. De plus, des signaux de nature différente, de basse fréquence, se propageant mieux sur de longues distances, ont été enregistrés par les réseaux mondiaux, notamment le 11 novembre 2018. Ces signaux pourraient correspondre à des séismes de type tremor : des séismes imperceptibles engendrés par la remontée du magma. En outre, depuis juillet 2018, les traitements réguliers réalisés par le réseau GNSS permanent à l’IGN montrent que les six stations GPS de haute précision installées sur l’île de Mayotte ont enregistré un déplacement continu vers l’est, de l’ordre de 14 mm/mois, associé à un affaissement de 7 mm/mois. L’ensemble de ces observations suggère que l’épisode en cours pourrait être de type sismo-volcanique.
A l’initiative du BRGM, dès le début de l’épisode sismo-volcanique, la communauté scientifique s’est mobilisée pour comprendre les phénomènes en cours et leur évolution. Dans ce contexte, le CNRS a coordonné un appel d’offres, cofinancé par le ministère de la Transition écologique et solidaire. Adressé le 29 novembre 2018 à plus de 20 laboratoires de recherche français dans ce domaine, il vise à améliorer l’observation et la compréhension scientifique de ce phénomène et à mieux estimer les aléas et les impacts potentiels pour ce territoire français. Doté d’un montant de 420 000 euros, il permet d’appuyer des missions d’observation par le déploiement d’instruments à terre et en mer, dont les données devront être mises à disposition de la communauté scientifique sans délai. L’analyse de ces données et le renforcement du réseau d’observation entrent aussi dans le cadre de cet appel d’offres.
Après une évaluation des propositions reçues par les comités scientifique et opérationnel, trois projets ont été retenus par le comité de pilotage le 22 janvier 2019. Ces projets impliquent 11 laboratoires et 44 chercheurs, enseignant-chercheurs, ingénieurs et techniciens du CNRS, de l’IPGP, du BRGM, de l’Ifremer et de l’IGN.
Une campagne océanographique est en cours de discussion avec l'Ifremer, le ministère de la Transition écologique et solidaire et le ministère de l’Enseignement supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, afin d’observer les fonds marins, de détecter et de quantifier d'éventuels dégazages liés à un volcan sous-marin. Elle pourrait avoir lieu au printemps ou cet été.
En complément du déploiement d’instruments, une équipe de l’université de la Réunion associée à l’OVPF-IPGP réalisera des missions de terrain pour consolider les connaissances sur l’histoire tectonique et volcanique de Mayotte : mise en évidence des structures tectoniques de l’île, datations de roches magmatiques, analyse de la composition des gaz du sol. Les différentes équipes se rendant sur le terrain procéderont à l’analyse des données et à des modélisations. L’équipe du réseau GNSS permanent de l’IGN se concentrera sur la récupération et la diffusion de l’ensemble des informations issues de GNSS pour l’ensemble de la communauté.
En savoir plus :