Pour cette étude, les scientifiques ont collecté, traité et analysé des dizaines de téraoctets de données disponibles. Les données proviennent de milliers de stations de surveillance sismique dans le monde, issues de réseaux de surveillance sismique de pointe, mais aussi de capteurs sismiques citoyens que des particuliers et des écoles ont installés dans leurs locaux, partageant des données avec la communauté mondiale.
En analysant ces données, les auteurs de l’étude observe, qu’alors que la fréquence des tremblements de terre pour 2020 reste identique à celle des années précédentes, la baisse du bruit anthropique est sans précédent. Les réductions de bruit sismique les plus importantes ont été mesurées dans les zones urbaines, mais l’étude a également trouvé des signatures du confinement sur des capteurs enfouis à des centaines de mètres dans le sol et dans des zones moins urbanisées, comme en Afrique subsaharienne.
Cette période silencieuse pourrait même permettre de détecter de nouveaux types de signaux, puisque des signaux sismiques, masqués en temps normal au sein du bruit sismique, en particulier pendant la journée, sont beaucoup plus clairs sur les capteurs sismiques dans les zones urbaines pendant le confinement. Les auteurs de l’article espèrent que ces premiers travaux engendreront de nouvelles études sur ces signaux détectables pendant le confinement et les nouvelles données qu’ils pourraient fournir sur les séismes et les volcans notamment.
L’étude a aussi montré une forte correspondance entre les baisses du bruit sismique provoquées par la réduction de l’activité humaine et les données de mobilité humaine issues des applications de cartographie sur les téléphones mobiles et mises à la disposition du public par Google et Apple. Cette corrélation devrait permettre, à l’avenir, d’utiliser les données sismiques comme un indicateur indirect de l’activité humaine en temps quasi réel et, par exemple, de mesurer l’adhésion aux mesures de confinement pandémiques sans avoir recours à des données posant de potentiels problèmes de confidentialité.
Avec l’urbanisation croissante et l’augmentation des populations à l’échelle mondiale, davantage de personnes vivront dans des zones géologiquement dangereuses. Par conséquent, il deviendra plus important que jamais de caractériser le bruit anthropique que les humains provoquent afin que les sismologues puissent mieux écouter la Terre, en particulier dans les villes, et surveiller les mouvements du sol sous nos pieds.
Les effets sur l’environnement des mesures de confinement liées à la pandémie sont nombreux et variés, des réductions d’émissions dans l’atmosphère, de circulation et de nuisances sonores affectant la faune ont en particulier été observées. Cette période de temps a été nommée «anthropause» (https://www.nature.com/articles/s41559-020-1237-z) par la communauté scientifique. Cette nouvelle publication est la première étude mondiale de l’impact de l’anthropause sur la Terre solide.
Réf : Global quieting of high-frequency seismic noise due to COVID-19 pandemic lockdown measures. Thomas Lecocq, Stephen Hicks, Koen Van Noten, Kasper van Wijk, Paula Koelemeijer, et al., Science, 24 juillet 2020. DOI: 10.1126/science.abd2438