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Les sédiments des bassins sous-marins profonds révèlent l’histoire des méga-séismes aux Antilles

Une équipe internationale dirigée par des chercheuses de l’IPGP a, pour la première fois, retracé l’histoire, au cours des 120 derniers milliers d’années, des grands séismes des Petites Antilles. L’étude, publiée le 31 janvier dans la revue Geochemistry, Geophysics, Geosystems, s’appuie sur l’analyse de plusieurs carottes sédimentaires longues de plus de 25 m, prélevées dans des bassins profonds (de plus de 5000 m sous le niveau de la mer) à l’Est des îles, au cours de la campagne CASEIS à bord du navire océanographique Pourquoi Pas ?. Les auteurs, de l’IPGP, de plusieurs laboratoires du CNRS, de l’Ifremer et d’universités américaines et canadiennes ont identifiés, dans plusieurs bassins profonds, des dépôts sédimentaires catastrophiques atteignant des épaisseurs de plus de 8 m et résultant d’avalanches sous-marines de grande ampleur. Certains dépôts, très similaires à ceux produits par le séisme de Tohoku en 2011 au Japon ont très probablement été générés par de très grands séismes, peut-être associés à des tsunamis. L’équipe a retrouvé la trace de 33 grands séismes au cours des 120 derniers milliers d’années. Le plus récent s’est produit il y a environ 3000 ans. Cette reconstruction de l’histoire sismique des petites Antilles devrait permettre de mieux contraindre le risque sismique dans la région.

Les sédiments des bassins sous-marins profonds révèlent l’histoire des méga-séismes aux Antilles

Carte 3D de la zone de l'étude montrant les principaux éléments morphologiques, les zones de carottage et les profils sédimentaires de l'événement le plus récent (cliquer sur le lien dans la colonne de droite pour voir l'image complète).

Date de publication : 23/02/2024

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Géosciences marines

Thèmes liés : Risques naturels

Alors que deux séismes majeurs, meurtriers et destructeurs, ont frappé les îles de l’arc des Antilles (le 11 janvier 1839 au large de la Martinique et le 8 février 1843 au large de la Guadeloupe) le potentiel sismogénique de la zone de subduction des Petites Antilles, où les plaques américaines plongent sous la plaque caraïbe, reste peu contraint et débattu. Les données court terme des stations GNSS tendent à montrer que l’interface de subduction glisserait de manière asismique tandis que les données géologiques (coraux) suggèrent que cette interface est bloquée depuis plusieurs décennies et pourrait rompre pour produire un séisme dans le futur. L’origine des séismes historiques de 1839 et 1843 reste également débattue. Ainsi, la menace d’un séisme de subduction de l’ampleur des séismes de Sumatra en 2004 ou de Tohoku-Oki en 2011 implique qu’il est primordial d’acquérir de nouvelles informations permettant de retracer l’histoire sismique de la zone de subduction des Antilles.
C’était l’objectif principal de la campagne en mer CASEIS1, qui s’est déroulée en 2016 à bord du navire Pourquoi Pas ? de la flotte océanographique française, du projet ANR CARQUAKES qui l’a suivi et du projet Interreg PREST : apporter des informations sur l’histoire des grands séismes aux Antilles à partir d’étude de paléosismologie sous-marine.

Il a été démontré que les séismes majeurs peuvent remobiliser des sédiments dans les environnements sous-marins. L’étude des dépôts qui en résultent permet de reconstruire les catalogues des grands séismes sur des périodes de plusieurs dizaines de milliers d’années. Les auteurs de l’étude présentent les résultats obtenus à partir de l’enregistrement sédimentaire de six carottes à piston géantes (jusqu’à 26 m de longueur) qui ont été prélevées dans les bassins profonds en avant de l’arc volcanique, au-dessus du méga-chevauchement, au niveau de la zone épicentrale du séisme de 1843. Plusieurs types de données (géophysiques : densité gamma, susceptibilité magnétique, … ; géochimiques : fluorescence des rayons X ; sédimentologiques) ont été acquises afin d’identifier et de caractériser les différents dépôts pour distinguer ceux générés par des séismes. En parallèle, des données biostratigraphiques (assemblage de foraminifères planctoniques) et des âges radiocarbones ont été obtenus afin de contraindre la chronologie de ces dépôts.

Les résultats obtenus montrent que 33 événements majeurs se sont produits au cours des derniers 120 milliers d’années et quatre de ces événements sont associés à des dépôts exceptionnels dit HmTu (turbidite/homogenite) de 8 m d’épaisseur. Les caractéristiques sédimentologiques de ces dépôts et leur étendue géographique (il se retrouvent sur une distance de plus de 170 km), suggèrent qu’ils ont été générés par des séismes majeurs. Des calculs d’accélérations du sol montrent que des méga-séismes de subduction seraient les seuls assez forts pour avoir déstabiliser et remobiliser les sédiments. La longueur exceptionnelle de l’enregistrement a permis de révéler un comportement atypique de la zone de subduction : Trois super-cycles sismiques d’une durée de 15 à 25 milliers d’années ont été identifiés, au cours des derniers 60 ka. Durant ces super-cycles, plusieurs méga-séismes se sont produits avec des temps de récurrences décroissants de 5000 à 2000 ans. Le dernier méga-séisme s’est produit il y a environ 3000 ans.

1. Campagne en mer CASEIS, Feuillet, 2016, https://doi.org/10.17600/16001800

 

Références :

Seibert, C., Feuillet, N., Ratzov, G., Beck, C., Morena, P., Johannes, L., et al. (2024). Sedimentary records in the Lesser Antilles fore-arc basins provide evidence of large late Quaternary megathrust earthquakes. Geochemistry, Geophysics, Geosystems, 25, e2023GC011152. DOI : 10.1029/2023GC011152

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