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Première description des communautés microbiennes du site hydrothermal alcalin d’Old City, dorsale sud-ouest Indienne

Une étude dirigée par des scientifiques de l’IPGP décrit pour la première fois les communautés microbiennes du site hydrothermal alcalin d’Old City (dorsale sud-ouest indienne). Old City est le second site de ce type répertorié sur la planète (après le site de Lost City découvert le long de la dorsale médio-Atlantique au début des années 2000). Cette étude ouvre donc des perspectives prometteuses pour la compréhension des paramètres environnementaux qui façonnent la vie dans ces systèmes hydrothermaux associés à la serpentinisation des roches mantelliques et des processus de synthèse organique abiotique dans les roches océaniques.

Première description des communautés microbiennes du site hydrothermal alcalin d’Old City, dorsale sud-ouest Indienne

Date de publication : 10/12/2020

Presse, Recherche

Thèmes liés : Origines

Découvert dans les années 2000 le long de la dorsale médio-Atlantique (30°N), le champ hydrothermal de Lost City a radicalement changé notre conception des conditions au sein desquelles la vie peut s’établir et prospérer sur Terre mais aussi, peut-être, sur d’autres planètes. Contrairement aux « fumeurs noirs » recensés jusqu’alors sur les basaltes des fonds océaniques et constitués de cheminées de sulfures polymétalliques dont émanent des fluides extrêmement chauds et acides, les cheminées hydrothermales de Lost City, dites alcalines, reposent sur des roches océaniques d’origine mantellique, les péridotites. Ces cheminées sont constituées de minéraux de carbonates et de brucite qui leur donnent leur couleur blanche. Les fluides émis par ces cheminées sont de température modérée (< 120°C), riches en hydrogène moléculaire (H2) et en composés organiques (notamment en méthane, CH4, et formiate, HCOO-). Ces composés organiques ont la particularité d’être formés de manière abiotique, c’est à dire sans intervention du vivant. Ils dérivent d’une réaction, appelée serpentinisation, qui se produit sous le plancher océanique lorsque l’eau de mer circule au sein des péridotites et les hydrate. Ces interactions eau-roche pourraient avoir fourni les sources d’énergie (comme l’H2) et de carbone (comme le méthane) grâce auxquelles la vie aurait pu se développer, bien avant l’apparition de la photosynthèse. La découverte du site de Lost City stimule donc la recherche depuis 20 ans pour comprendre comment la vie pourrait avoir émergé dans ces environnements dynamiques où processus géologiques, chimiques et biologiques sont intimement liés. Ces différentes études ont donné un rôle prépondérant aux archées méthanogènes (microorganismes produisant du méthane à partir de dioxyde de carbone et d’H2) et/ou méthanotrophes (consommant le méthane) dans ces écosystèmes, nourrissant ainsi les premiers modèles de métabolismes ancestraux. Cependant toutes ces études ne portaient que sur le site de Lost City, seul exemple connu jusqu’alors en contexte océanique, même si les prédictions laissaient supposer l’existence de nombreux autres sites de ce type du fait de l’abondance des roches d’origine mantellique sur le plancher océanique.

La découverte récente du site hydrothermal alcalin d’Old City, en 2017, premier analogue océanique du site de Lost City, vient apporter un nouvel éclairage sur ces questions. Il s’agit d’un système hydrothermal localisé à environ 3100 mètres de profondeur au niveau d’une région de la dorsale sud-ouest indienne peu affectée par le magmatisme. Les roches d’origine mantellique y abondent, ce qui en fait un site particulièrement pertinent pour étudier l’influence de la serpentinisation sur les communautés microbiennes.

Dans un article publié dans ISME Journal, des chercheurs de l’Institut de physique du globe de Paris (Université de Paris, IPGP, CNRS) en collaboration avec le laboratoire Géosciences Environnement Toulouse (Université Toulouse III, CNRS, IRD) présentent la toute première description des communautés microbiennes de cheminées carbonatées du site d’Old City. Les taxons dominant ces communautés restent relativement similaires à ceux rencontrés dans les cheminées hydrothermales de Lost City ou au niveau des sources alcalines associées aux ophiolites où la serpentinisation est également active. Toutefois, ce premier échantillonnage à Old City montre que les populations microbiennes semblent y utiliser de manière importante le monoxyde de carbone (CO) et le formiate, tous deux potentiellement abiotiques. Ils seraient utilisés comme sources de carbone ou comme sources d’électrons et ceci en fonction des conditions environnementales régnant au sein des cheminées. Le méthane y serait quant à lui oxydé par les bactéries aérobies. Cette variabilité de sources d’énergie et de carbone utilisées par les écosystèmes profonds pourrait être liée à l’intensité de l’activité hydrothermale et donc au régime de serpentinisation ainsi qu’à la nature du manteau sous-jacent, l’ensemble contrôlant dans ces environnements, les rendements et chemins réactionnels associés à la synthèse organique abiotique. La caractérisation géologique, géochimique et hydrogéologique d’Old City fait actuellement l’objet de travaux en cours pilotés par Mathilde Cannat au sein de l’IPGP.

La découverte du site hydrothermal alcalin d’Old City et ces premiers travaux d’écologie microbienne ouvrent ainsi des perspectives prometteuses pour explorer les paramètres environnementaux qui façonnent la vie dans les environnements influencés par la serpentinisation. Ces communautés microbiennes nous renseignent également sur les voies de synthèse organique abiotique qui pourraient prévaloir dans ces environnements et soutenir la vie, voire la chimie prébiotique, dans les roches de la subsurface.

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Figure 1 – Cheminées carbonatées du site hydrothermal d’Old City (dorsale sud-ouest Indienne) au sein desquelles ont été imagées et caractérisées les communautés microbiennes (en haut, de gauche à droite : photographie de la cheminée avant prélèvement en eau profonde par le véhicule télécommandé Victor 6000 (IFREMER) ; image de microscopie confocale à balayage laser après marquage fluorescent de l’ADN (en vert) montrant dans les conduits des cheminée des grappes de cellules microbiennes au sein de structures tubulaires (en bleu) ; en bas : images de microscopie électronique à balayage mettant en évidence sur les minéraux des cheminées, la présence de polymères extracellulaires typiques de biofilms microbiens (à gauche) ou de potentielles cellules microbiennes (à droite). Leur nature et leurs métabolismes potentiels ont été caractérisés en parallèle par séquençage de l’ADN extrait de ces cheminées).

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