Des enseignants face à une question complexe, expertisée et médiatisée : Le cas du réchauffement climatique
28/05/2010
IPGP - Campus Jussieu
11:00
Séminaires Géomagnétisme
Salle Orange
Benoit Urgelli
ENS de Lyon
Résumé :
Le réchauffement climatique, comme la plupart des questions
d'environnement et de santé, s'accompagne d'une circulation sociale de
savoirs et de valeurs. Notre cadre théorique, d'inspiration
sociologique, retient que trois dimensions inter-reliées caractérisent
ces questions : la complexité, l'expertise et la médiatisation.
Dans le cadre de la généralisation de l'éducation au développement
durable (BOEN 2004, 2007), nous avons conduit une étude des
représentations de la question climatique pour quelques enseignants de
lycée. Cette étude conduite durant l'année scolaire 2006-2007
s'inscrit dans le contexte des travaux du Groupe intergouvernemental
d'experts sur l'évolution du climat et de la campagne présidentielle
2007. Dans ce contexte socioscientifique particulier, à travers le
suivi des déclarations et des productions d'enseignants volontaires,
l'étude a tenté d'identifier leurs logiques d'engagement dans le
traitement didactique de la question.
Face aux controverses médiatisées sur l'évolution climatique, tout en
revendiquant une posture de neutralité et d'impartialité, les
enseignants oscillent entre un modèle d'enseignement positiviste en
cohérence avec la Stratégie nationale du développement durable et un
modèle d'éducation scientifique citoyenne critique soulignant la
complexité de la question climatique. Les stratégies proposées par les
enseignants révèlent l'existence d'une interrogation éthique liée à la
communication sociale sur le sujet :
En tant que représentants du service public, dans un contexte
sociopolitique visant à la promotion d'un développement durable,
peut-on exposer de jeunes citoyens à un discours scientifique critique
face aux formes consensuelles et alarmistes de l'expertise médiatisée ?
Dans le cadre du traitement didactique d'une question comme celle de
l'évolution climatique, cette interrogation enseignante montre la
nécessité de définir collectivement une éthique de la profession.
Par ailleurs, sur cette question d'actualité, le discours des
enseignants pointe l'absence d'arènes médiatiques permettant de saisir
la complexité et les limites de l'expertise. Ces arènes permettraient
d'éclairer les prises de décision, en partageant les savoirs et les
questionnements citoyens, et en dépassant l'idéologie de la compétence
et le chantage au consensus (Roqueplo, 1974, 1993).
Autour des relations sciences sociétés, nous pensons que la
publicisation du doute doit se développer car sans la réconciliation
entre doute et certitude, sans la confiance raisonnée et raisonnable
dans le travail des scientifiques, c'est la fiabilité même des
connaissances qui finit par être objet de doute […] Un diagnostic
incertain n'est pas pour autant un diagnostic auquel on ne fait pas
confiance (Roqueplo, 1993, p.338-339).
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