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Coulées de boue, rivière du Prêcheur, Montagne Pelée, Martinique

En Martinique, une séquence importante de glissements de terrain a commencé le 2 janvier 2018 au niveau de la Falaise Samperre, sur le flanc ouest de la Montagne Pelée, au nord-ouest du sommet (Figure 1). Elle se poursuit à ce jour. Les volumes mis en jeu par ces glissements sont plus importants que lors du dernier episode majeur d’Avril 2010.

Coulées de boue, rivière du Prêcheur, Montagne Pelée, Martinique

Rivière du Précheur

Date de publication : 12/01/2018

Observatoires, Presse, Recherche

Thèmes liés : Risques naturels

Ces glissements n’ont aucun lien avec un éventuel regain d’activité volcanique de la Montagne Pelée qui reste à un niveau de base normal (vert).

Ces glissements sont enregistrés par le réseau sismologique de l’OVSM- IPGP et les plus forts d’entre eux sont entendus ou ressentis par les habitants de la commune du Prêcheur. Plusieurs survol de la Rivière du Prêcheur et de la Falaise Samperre ont été réalisés avec le Dragon 972 de la sécurité civile le 3 janvier et le 10 janvier. Un survol en drone a été réalisé le 11 janvier sur demande de la DEAL Martinique.

La faible pente de la rivière limite la descente des matériaux glissés vers l’aval, et une grande partie des dépôts de ces glissements s’accumule en pied de falaise. Dans le cas de pluies abondantes, une partie de ces dépôts est remobilisée et se propage dans la rivière du Prêcheur sous forme de coulées boueuses ou lahars. Ces coulées de boue ont considérablement rempli le lit aval de la rivière, en particulier au niveau du pont du bourg du Prêcheur menaçant l’ouvrage et de déborder dans les zones habitées avoisinantes du Précheur.

Localisation des points cités dans ce rapport et des systèmes d’enregistrements acoustiques de la Rivière du Prêcheurs (points rouges). La station de détection des crues se trouve à RPRE. L’étoile blanche du Morne Vert-Pré est le point de prise de vue de la Falaise.

Enregistrement des signaux et détection par l’Observatoire Volcanologique et Sismologique de Martinique

Les sismomètres de l’OVSM-IPGP enregistrent le 2 janvier 2018 entre 4h du matin et 11h (locale) une première succession de glissements qui peuvent être attribués à la falaise Samperre. Après 48h de calme, de nouveaux glissements, plus importants, se sont produits la nuit du 3 au 4 janvier (Figure 2a et 2b) et se poursuivent depuis. Les volumes mis en jeu par ces glissements sont importants. Depuis le 6 janvier 2018, 37 lahars ont été enregistrés à l’OVSM-IPGP, dont 3 importants, samedi 6/01/2018 11h37, dimanche 7/01/2018 14h35 et lundi 8/01/2018 19h56 et une série très importante de 17 lahars successifs la nuit du 11 au 12 janvier. Ces lahars sont associés à des épisodes pluvieux assez intenses sur le sommet de la Montagne Pelée. De nouveaux lahars d’intensité variable se produiront dans les semaines qui viennent, en fonction de la pluviométrie. Leur intensité n’est pas prévisible.

Enregistrement des éboulements du 4/02/2018. Chaque ligne correspond à 15mn, le changement de couleur permettant une meilleure lisibilité. L’heure locale est reportée à gauche et l’heure TU à droite. Les pics des données correspondent aux glissements successifs.Le glissement qui s’est produit à 3h01 (en noir) est le plus important. Il a été également enregistré par les stations sismologiques du sud de l’île.
Enregistrements des coulées de boue (lahar) des 11 et 12 janvier 2018. Chaque ligne correspond à 15mn, le changement de couleur permettant une meilleure lisibilité. L’heure locale est reportée à gauche et l’heure TU à droite. Les variations de l'amplitude du signal correspondent aux lahars successifs.
Évolution de la Falaise Samperre entre avril 2017 et entre le 3/01/2018 et le 9/01/2018. Le cliché du milieu a été pris le 3/01/2018 lors du survol en hélicoptère. Le cliché de droite a été pris le 9/01/2018 depuis le Morne Vert-Pré. Les dimensions de la falaise sont d’environ 300 m de haut par 220m de large. Ces photos montrent que les glissements récents les plus importants se sont produits à droite, ie dans la partie sud de la Falaise. La trace visible à l’extérieur du cirque Samperre (flèche de gauche) indique que la crête sud de la Falaise Samperre est actuellement instable. La zone de départ plus petite à gauche (ie, au nord) provoque un ravinement en arrière de cette falaise active qui favorisera la formation de fractures subparallèles à la falaise et donc favorisera par infiltration la fragilisation de cette partie de la falaise dans le futur. Les deux photos de 2018 ont été mises pratiquement à la même échelle, les traits noirs indiquant la correspondance entre des points remarquables sur les 2 clichés. La photo du 9/01 montre a progression de l’étendue de la zone glissée : l’ensemble des parois végétalisées a disparu, la tête du glissement a progressée vers le haut. Le volume des dépôts en pied de pente est important est supérieur à celui de mai 2010.

Falaise Samperre

Depuis 1850 (Aubaud et al., 2013), la falaise Samperre constituée de dépôts pyroclastiques non consolidés provenant de l’activité éruptive ancienne de la Montagne Pelée, aussi dite à tort du Piton Marcel, située en amont de la rivière Samperre (Figure 1) au Prêcheur, est le siège de glissements de terrain à répétition. Remobilisés par des pluies torrentielles, ces matériaux d’éboulement peuvent générer des coulées de boue, appelées lahars en contexte volcanique. Les phénomènes de lahars peuvent être amplifiés dans le cas de glissements de terrain volumineux, à cause de barrages temporaires du cours de la rivière (embâcles) qui permettent l’accumulation de grands volumes d’eau en amont. Ces volumes d’eau peuvent être relâchés lors d’une rupture soudaine d’embâcle et provoquer la propagation rapide en aval d’une vague d’eau et de sédiments potentiellement dommageable. Le glissement de mai 2010 avait mobilisé près de 2,1 millions de m3 (Clouard et al., 2013) avant de générer une séquence de lahars particulièrement violents qui a partiellement détruit en juin 2010 le pont du bourg du Prêcheur et inondé les zones riveraines. Ce phénomène à déclenché une reconnaissance de l’état de catastrophe naturelle et nécessité la reconstruction de ce pont par le Conseil Général de Martinique, puis la Collectivité Territoriale de Martinique. Les années 2011 à 2017 ont été moins actives en termes d’éboulements et de lahars dans la Rivière du Prêcheur.

Les photos prises lors des survols du 3 et 10 janvier 2018 montrent clairement que les éboulements (Figure 3) proviennent essentiellement de la partie supérieure sud de la falaise qui s’effondre actuellement. Les glissements récents plus importants se sont produits à droite, ie dans la partie sud de la Falaise. La trace visible à l’extérieur du cirque Samperre (flèche de gauche de la photo du centre) indique que la crête sud de la Falaise Samperre est actuellement instable. La zone de départ plus petite à gauche (ie, au nord) provoque un ravinement en arrière de cette falaise active qui favorisera la formation de fractures subparallèles à la falaise et donc favorisera par infiltration la fragilisation de cette partie de la falaise dans le futur.

On remarque une quantité importante de dépôts en pied de falaise. Ce sont ces dépôts non-consolidés et aisément remobilisables par des pluies, qui peuvent générer des lahars. La taille du réservoir de dépôts actuel semble considérable et bien supérieure à celle du dernier épisode majeur de mai 2010 (environ 2,1 million de m3, Clouard et al., 2013). Il n’a pas été noté à ce jour de présence d’embâcle (dans les parties visibles).

Cette reprise de l’activité de la falaise Samperre intervient après plusieurs années de calme, puisqu’il faut remonter à mai 2010 pour retrouver un phénomène aussi important (Clouard et al., 2013). L’étude des glissements de 2010, en particulier grâce aux données topographiques haute résolution acquises par Lidar aéroporté, avait permis de proposer les zones les plus probables pour la prochaine séquence d’éboulements (Figure 4). La localisation des glissements observés depuis le 2 janvier 2018 correspond bien à ce qui a été proposé en 2013, et il est probable qu’ils se poursuivent dans la partie sud dans les semaines/mois qui viennent.

Des clichés pris le 9/01/2018 d’un point légèrement décalé vers l’est de la Falaise (Figure 5) montrent que les arêtes des reliefs en aval de la falaise Samperre et au-dessus du lit de la rivière ont été abrasés par les glissements les plus énergétiques. Ces arêtes se situent à environ 500m de la Falaise. L’élévation de la zone abrasée est probablement de plusieurs dizaines de mètres.

Analyse des pentes de la Falaise Samperre en 2010 à partir des données Lidar acquises avant les glissements (à gauche) et après (à droite) les glissements de mai 2010. Les plus fortes pentes (en blanc) sont celles qui se sont déstabilisées en 2010, et la séquence de janvier 2018 se situe au niveau des zones de plus fortes pentes topographiques actuelles (d’après Clouard et al., 2013).
Impact de la séquence de glissements du 2/01 au 9/01/2018. La végétation des arêtes saillantes du relief dans la partie supérieure de la rivière a été arrachée par ces glissements.

Système d'alerte

La station de détection des crues (Figure 1, RPRE) de l’OVSM-IPGP se situe un kilomètre en aval de ces arêtes de la figure 5. Les capteurs de la station de détection des crues envoient une alerte lorsque leur inclinaison indique qu’ils sont soulevés. Cette information est renvoyée sur le boitier d’alarme qui déclenche automatiquement la sirène lorsque 2 capteurs sont en alarme. Le système a détecté les lahars des 6 et 7 janvier. Le 8 janvier, il a correctement fonctionné jusqu’au 3ème événement. Après le lahar de 19h56 (23h56 TU), les capteurs sont restés bloqués en position d’alarme suite au remplissage de la vallée par les matériaux du glissement et des coulées de boue. En 2010, c’était l’ensemble de la station qui avait été détruit par un fort lahar qui avait atteint plus de 7m de haut dans la gorge où est installée la station.

Conclusions

L’érosion de la falaise Samperre a repris depuis le 2 janvier 2018 et des volumes importants se sont effondrés. Les reconnaissances héliportées et par drone du 3, 10 et 11 janvier 2018 permettent de constater :

  • Une zone de départ des glissements de l’ensemble de la falaise Samperre
  • La présence de dépôts au pied de la falaise et dans le lit supérieur de la rivière en quantité plus importante qu’en mai 2010;
  • L’absence à ce jour d’embâcle dans le lit de la rivière Prêcheur-Samperre.

Les phénomènes de glissements depuis la falaise Samperre et de lahars dans le lit de la rivière du Prêcheur (431 éboulements et 44 lahars enregistrés au 12 janvier) vont se poursuivre dans les mois et années à venir, sans qu’on ne puisse en connaître à l’avance l’importance. Le lit de la rivière est par conséquent dangeureux, en particulier par temps de pluie.

Ces glissements n’ont aucun lien avec un éventuel regain d’activité volcanique de la Montagne Pelée qui reste à un niveau de base normal (vert).

Pour en savoir plus:

 

Réf :

  • Aubaud C, Athanase JE, Clouard V, Barras AV, Sedan O (2013) A review of historical lahars, floods, and landslides in the Precheur river catchment (Montagne Pelee volcano, Martinique island, Lesser Antilles). Bulletin De La Societe Geologique De France 184(1-2):137-154
  • Clouard V, Athanase JE, Aubaud C (2013) Physical characteristics and triggering mechanisms of the 2009-2010 landslide crisis at Montagne Pelee volcano, Martinique: implication for erosional processes and debris-flow hazards. Bulletin De La Societe Geologique De France 184(1-2):155-164

 

Page réalisée avec le concours de Valérie Clouard et toute l’équipe de l’Observatoire Volcanologique et Sismologique de Martinique, Cyril Aubaud, Jean-Marie Saurel, Virginie Durand, Jean-Christophe Komorowski, Arnaud Lemarchand de l’équipe des observatoires volcanologigues et  sismologiques.

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