L’origine de ces fractionnements isotopiques, appelés effets vitaux, pourrait être liée à l’activité métabolique de ces organismes. Cette étude visait à déterminer si les carbonates issus de l’activité métabolique de microorganismes procaryotes, pouvaient également présenter des déséquilibres isotopiques en oxygène. Avec des implications potentielles importantes pour la reconnaissance de carbonates d’origine biologique dans les sols, sous-sols et les sédiments.
L’étude présente les compositions isotopiques en oxygène de carbonates de calcium formés par l’activité métabolique de Sporosarcina pasteurii, une bactérie carbonatogène du sol dont le métabolisme produit du carbone inorganique dissous (DIC) qui finit par précipiter sous forme de carbonates de calcium solides en présence de calcium.
L’étude montre que pour l’oxygène, le fractionnement isotopique entre les carbonates formés par les bactéries d’une part et l’eau d’autre part (1000lnαCaCO3-H2O) est 25‰ plus faible que la valeur attendue dans le cas d’une précipitation de ces minéraux en équilibre isotopique avec l’eau.
Afin de déterminer l’origine de ce fractionnement isotopique, les auteurs ont tiré profit des effets isotopiques d’une enzyme, l’anhydrase carbonique, capable d’accélérer l’équilibration des isotopes de l’oxygène entre le DIC et l’eau. L’ajout d’anhydrase carbonique dans la culture microbienne a donné lieu à la précipitation de carbonates microbiens en équilibre isotopique avec l’eau, puisque l’enzyme a pu équilibrer les isotopes de l’oxygène entre le DIC et l’eau avant la précipitation du DIC en carbonates. Le déséquilibre dans les expériences sans anhydrase carbonique a ainsi pu être attribué sans ambiguïté à l’existence d’un déséquilibre isotopique entre le DIC produit métaboliquement et l’eau.
Ces résultats démontrent pour la première fois que les bactéries peuvent induire une précipitation de carbonates de calcium en fort déséquilibre isotopique avec l’eau pour l’oxygène, de manière similaire à ce qui est observé chez les eucaryotes lors d’un effet vital.
Le fait que la production métabolique de CO2, processus courant dans de nombreux métabolismes microbiens induisant la formation de carbonates, soit à l’origine du déséquilibre, a amené les auteurs à proposer que des fractionnements isotopiques hors équilibre provoqués par une activité métabolique dans les carbonates microbiens soient plus répandus que ce qui est actuellement considéré.
Ainsi, les auteurs préconisent de prendre des précautions lorsque les compositions isotopiques de l’oxygène issues de carbonates bioinduits sont utilisées notamment lors de reconstitutions diagénétiques et paléo environnementales. De plus, ces nouveaux effets permettraient de discriminer des carbonates bactériens de ceux produits par des processus exclusivement inorganiques dans nombre d’environnements où cette distinction est très difficile.
Ce travail a été en partie financé avec le support du centre de recherche sur le stockage du CO2 (IPGP, Ademe, Total, Schlumberger).
Réf : Disequilibrium δ18O values in microbial carbonates as a tracer of metabolic production of dissolved inorganic carbon. Thaler, C., Millo, C., Ader, M., Chaduteau, C., Guyot, F., & Ménez, B. (2017). Geochimica et Cosmochimica Acta, 199, 112-129.