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Quand la Terre vacillait…

Une forte baisse globale du flux de subduction il y a environ 700 Ma à l’origine d’une très grande dérive du pôle à l’Ediacarien ?

Quand la Terre vacillait…

Date de publication : 25/02/2019

Grand Public, Presse, Recherche

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PaléomagnétismeGéomagnétisme

Thèmes liés : Origines

Il y a environ 700 millions d’années, au cours de l’Édiacarien, la Terre a connu de nombreux bouleversements environnementaux : diversification des animaux, glaciations de grande échelle, mais aussi la dislocation finale du supercontinent Rodinia (l’un des supercontinents ayant précédés la Pangée) suivi de la formation d’un autre méga-continent : le Gondwana.

En utilisant des données paléomagnétiques indiquant la position des pôles paléomagnétiques, des enregistrements géologiques et glaciaires et une modélisation du flux de subduction, des chercheurs de l’IPGP et de l’université d’Oslo proposent, dans une étude publiée fin 2018, que ces changements soient la conséquence d’une rotation de la Terre sur elle-même, liée à un changement de la répartition des masses au sein de la planète.

L’Ediacarien (635-541 Ma), dernière période géologique du Précambrien, est un intervalle de temps durant lequel d’importants changements environnementaux se produisent, affectant aussi bien la biosphère et la cryosphère que la tectosphère. Les observations paléomagnétiques édiacariennes, cruciales pour reconstruire la position des continents, sont peu nombreuses et particulièrement complexes à interpréter. Les reconstructions paléogéographiques de cette époque sont donc encore très débattues.

Une sélection des pôles paléomagnétiques déterminés sur trois continents différents, Laurentia, Baltica et le craton ouest africain, montre une oscillation commune très rapide (>30 cm/an) entre 615 et 565 Ma (Figure 1), et semble indiquer qu’un mouvement global des pôles paléomagnétiques s’est produit durant cette période. Deux hypothèses principales sont alors avancées pour expliquer ces observations : soit le champ magnétique était anormalement instable avec la dominance d’un dipôle magnétique aligné dans le plan équatorial (un tel champ magnétique a été jadis proposé sur Mars), soit de grands épisodes de dérive du pôle (True Polar Wander en anglais) se sont produits. Ce dernier mécanisme correspond au mouvement de toutes les enveloppes de la Terre par rapport à son axe de rotation, et est lié aux changements de répartition des masses à l’intérieur la Terre. A l’échelle des temps géologiques, ce sont les mouvements convectifs dans le manteau qui sont la source principale de ce phénomène.

Figure 1 : Oscillation des pôles paléomagnétiques observée entre 615 et 565 Ma sur trois continents différents (noir). En bleu, un exemple de dérive du pôle modélisé dans cette étude.
Figure 2 : Reconstructions paléogéographiques dans un repère lié au manteau construites dans cette étude. La position des zones de subduction (rouge) et des courants chauds ascendants situés à la base du manteau et projetés en surface (jaune) ont permis de calculer l’évolution de la répartition des masses dans le manteau.

Les auteurs de l’étude ont testé l’hypothèse de dérive du pôle en modélisant les mouvements de convection à l’intérieur du manteau à l’Ediacarien. Ils ont utilisé un modèle simple de dynamique du manteau calculant l’évolution, en fonction du temps, de la répartition des masses dans le manteau liée aux plaques froides et denses en subduction, et aux mouvements ascendants chauds et moins denses. Ils ont supposé que la géométrie de l’écoulement mantellique de grande échelle à l’Ediacarien était similaire à celle des périodes plus récentes (Figure 2), consistant en une ceinture de subduction entourant les continents (comme la ceinture de feu du Pacifique à l’actuel) et de deux courants ascendants antipodaux situés au centre de la ceinture et s’élevant depuis la base du manteau (similaires aux deux super-panaches actuels imagés sous l’Afrique et dans le Pacifique par la tomographie sismique). Ces expériences numériques montrent que la déstabilisation de ce système convectif à grande échelle expliquent les mouvements très rapides du pôle (~dizaines de cm/an). Plus spécifiquement, la diminution drastique des vitesses de subductions péri-continentales pendant environ 100 Ma (~730-635 Ma) puis leur redémarrage au début de l’Ediacarien (~635 Ma) produisent des dérives du pôle comparables à celles déterminées par le paléomagnétisme à l’Ediacarien (Figure 1).

Existe-t-il des observations géologiques attestant d’une diminution du flux de subduction entre 730 et 635 Ma ? La fréquence globale des âges de zircons détritiques semble être un bon proxy du flux de subduction en fonction du temps, les zircons étant principalement produits dans des magmas liés aux zones de subduction, et bien préservés de l’altération du fait de leur grande dureté. La figure 3 montre effectivement une très bonne corrélation pour les périodes récentes (410-0 Ma) de la fréquence des âges des zircons avec le flux de subduction calculé à partir des reconstructions paléogéographiques de l’étude. La phase de faible flux de subduction proposée dans ce modèle paléogéographique entre 730 et 635 Ma est également validée par la faible fréquence d’âge des zircons détritiques pendant cette période (Figure 3), montrant ainsi par ces expériences que des basculements de très grande amplitude (~90°) de notre planète par rapport à son axe à des vitesses de l’ordre de ~70 cm/an est un phénomène plausible.

L’épisode de faible flux est également corrélé avec l’occurrence des glaciations Marinoennes et Sturtiennes de grande échelle (Figure 3). En effet, la diminution importante du volcanisme de subduction à l’échelle globale qu’entrainerait ce scénario pourrait induire une diminution significative des émissions de gaz à effet de serre dans l’atmosphère, et participer à l’existence de ces périodes particulièrement froides. Enfin, la baisse drastique de l’activité des subductions péri-continentales entre 730 et 635 Ma correspond à une phase de quiescence dans la fragmentation du supercontinent Rodinia (Figure 3). Les subductions pouvant jouer un rôle majeur dans le rifting des continents, leur diminution drastique entre 730 et 635 Ma pourrait avoir influencé également l’évolution tectonique du supercontinent Rodinia.

Figure 3: Fréquence globale des âges de zircons détritiques des derniers 800 Ma (histogramme en bleu, Voice et al. 2011) et flux de masse subductée estimé à partir du modèle de Greff-Lefftz et al. (2017) de 0-410 Ma et dans cette étude de 800 à 520 Ma

Réf : B. Robert, M. Greff‐Lefftz, & J. Besse. (2018). True Polar Wander: a key indicator for plate configuration and mantle convection during the late Neoproterozoic. Geochemistry, Geophysics, Geosystems, 19(9), 3478-3495. doi.org/10.1029/2018GC007490

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