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Télédétection

Date de publication : 13/10/2022

Recherche

La zone critique, cette fine pellicule de la croûte terrestre qui s’étend des nappes phréatiques aux basses couches de l’atmosphère, est l’objet de toutes les attentions. Elle est la base de l’habitabilité de notre planète car c’est dans ce compartiment que l’air, l’eau, les sols et les roches se rencontrent, et que les organismes vivants interagissent. Quel rôle environnemental joue-t-elle ? Quelles sont les conséquences des activités humaines et des fluctuations climatiques sur la zone critique ? A quelles échelles de temps et d’espace ces changements s’opèrent-ils ? Telles sont les questions auxquelles les chercheurs de l’Institut de physique du globe de Paris tentent de répondre. Outre toute une panoplie d’instruments de terrain, ils disposent aujourd’hui de capteurs de télédétection qui mesurent la réponse radiométrique des surfaces dans le domaine solaire (400–2500 nm), l’infrarouge thermique (8–12 µm) et les micro-ondes (1–100 mm). La télédétection a révolutionné les géosciences car elle élargit le domaine spatial des phénomènes observés localement sur le terrain, elle les mesure à intervalles réguliers, et pour les corps du Système solaire, elle est souvent le seul outil à leur disposition. Les apports de la télédétection pour comprendre les processus qui façonnent la surface de la Terre sont donc immenses et ce à plusieurs titres.

Dès les années 1970, les chercheurs de l’IPGP ont utilisé les satellites optiques comme LANDSAT ou SPOT pour cartographier les grands traits du paysage : failles tectoniques, champs de dunes, réseau hydrographique, couverture végétale, etc. Leur ont succédé des capteurs à moyenne résolution tels que MODIS qui assure une couverture globale et quasi journalière de la Terre, puis des satellites à très haute résolution tels que Pléiades Neo ou WorldView-3 dont les images couvrent des surface plus réduites mais qui permettent de voir des détails de l’ordre de 30 cm. C’est sous l’impulsion de J. Achache que le programme Copernicus de l’Union Européenne a vu le jour : les satellites Sentinel acquièrent aujourd’hui des images à différentes échelles spatiales dans tous les domaines de longueurs d’onde. Se pose alors le problème de l’interprétation de ces images car les quantités mesurées sont rarement reliées de façon simple aux propriétés des objets observés.

La géomorphologie étudie les formes du relief et leur évolution au cours du temps. Les chercheurs de l’IPGP s’intéressent au rôle de l’érosion (fluviale, gravitaire, éolienne) dans la formation des paysages. L’imagerie satellitaire a d’abord été utilisée pour cartographier les grandes unités géomorphologiques. Jusqu’au début des années 2000, la faible précision des modèles numériques de terrain (MNT) a constitué un frein à la quantification et à la compréhension des processus qui modèlent la zone critique. Les lidars aéroportés et spatiaux ont ouvert la porte à la troisième dimension : ils permettent de mesurer la hauteur des arbres, de déterminer la structure 3D des forêts et de révéler le relief même en présence d’une couverture végétale dense. L’IPGP explore aujourd’hui la technologie du “sac à dos lidar” pour étudier la dynamique des bassins versants ou encore les propriétés de surface des avalanches (Figure 1). La généralisation des MNT a aussi été rendue possible grâce au développement de codes de corrélation d’images performants utilisant des images acquises à différentes échelles spatiales, au sol, depuis un aéronef ou un satellite. L’IPGP a contribué à l’amélioration de MicMac, logiciel libre de photogrammétrie développé par l’IGN (Institut national de l’information géographique et forestière). A l’instar de ce qui se fait en tectonique, des MNT de bassins versants ont été générés dans des régions tropicales et alpines à partir d’images d’archive accumulées depuis un siècle. Leur comparaison à différentes dates donne accès à la quatrième dimension, le temps. Cela permet de suivre l’évolution du relief à l’échelle décennale, et d’étudier les couplages entre les événements climatiques extrêmes, comme les cyclones, et les glissements de terrain, ou encore le transport sédimentaire dans les rivières. Ces techniques ont été transposées aux systèmes dunaires terrestres, en particulier au Niger où l’analyse des données du satellite Pléiades a révélé que l’apport en grains de sable contrôlait l’orientation des structures dunaires. En extrapolant ces observations sur Mars et sur Titan, les chercheurs ont affiné les régimes de vents à la surface des planètes et apporté de nouvelles contraintes sur la modélisation du climat martien  (Figure 2). Enfin, des méthodes similaires de reconstruction 3D ont été appliquées à la cartographie des réseaux hydrographiques sur Titan, le plus grand satellite naturel de saturne, fournissant des informations précieuses sur son climat.

Outre l’étude des processus et de leurs couplages, de nombreux travaux de recherche théoriques et expérimentaux sont menés par les chercheurs de l’IPGP pour déterminer les propriétés physiques et chimiques des surfaces terrestres et planétaires aux échelles microscopiques et macroscopiques : rugosité, porosité, taille et forme des grains, composition minéralogique, teneur en eau, etc. (Figure 3). Ces travaux sont essentiels pour comprendre les mécanismes de formation et d’évolution des paysages. Par exemple, la rugosité et l’humidité de surface sont des paramètres clés du bilan d’énergie à l’interface entre la Terre et l’atmosphère qui contrôlent les échanges d’énergie et de matière. Dans un contexte de changement climatique, ces états de surface sont un critère pertinent de classification des sols basé sur leur fonctionnement hydrique et leur évolution face à la sécheresse, la désertification et l’érosion hydrique et éolienne. Sur les autres planètes et corps du Système solaire, les propriétés physiques des régolithes fournissent des renseignements sur leur degré de maturité et sont un précieux indicateur des climats passés ou présents. Le caractère multi-échelle étant inhérent à ces variables, leur interprétation nécessite des approches et des méthodes adaptées (Figure 4). Le développement et l’utilisation intensive de modèles physiques de transfert radiatif est une des originalités des travaux de recherche menés par notre institut en télédétection. Ces modèles de réflectance ou d’émission thermique des surfaces sont de puissants outils de simulation pour évaluer les conséquences d’une théorie, prédire des comportements qualitatifs, mais aussi donner des réponses quantitatives.

La modélisation physique de la réflectance des couverts végétaux est aussi au cœur de travaux menés à l’IPGP. Le modèle PROSPECT qui simule les propriétés optiques des feuilles du visible à l’infrarouge thermique est aujourd’hui largement diffusé dans la communauté scientifique. Le couplage de PROSPECT à des modèles de réflectance des couverts végétaux permet de cartographier le contenu biochimique d’une culture ou d’une forêt, de détecter un stress, de mesurer l’activité photosynthétique des plantes ou d’étudier la biodiversité végétale. Ces activités ont débouché sur des travaux de recherche en exobiologie en prenant la Terre comme modèle d’exoplanète où la vie s’est développée : la signature spectrale de la chlorophylle a pu être détectée dans la lumière cendrée de la Lune mesurée depuis la base antarctique de Concordia. L’IPGP s’appuie sur des outils comme la géochimie ou la géomorphologie pour étudier les relations entre la végétation, le relief, la composition chimique des sols ou l’activité volcanique. Par exemple, les images Sentinel-2 de la montagne Pelée en Martinique révèlent des zones de végétation dégradée sur les flancs du volcan, liées à d’importants dégazages diffus et passifs de dioxyde de carbone, un gaz à effet de serre inodore et incolore. Ce couplage entre les systèmes volcaniques et les interfaces en est à ses balbutiements.

La télédétection est un outil d’étude du système Terre devenu incontournable. Les informations contenues dans les images acquises par les capteurs optique, thermique ou hyperfréquence à différentes échelles spatiales et temporelles sont d’une très grande richesse. Leur traitement nécessite la mise au point de méthodes d’analyse pointues. Les travaux de recherche menés à l’IPGP s’orientent vers des approches interdisciplinaires, qui intégrent des méthodes d’apprentissage automatique (machine learning) afin d’analyser des volumes de données de plus en plus grands (données hyperspectrales, nuages de points lidars orbitaux ou encore images à très haute résolution spatiale). Les constellations de satellites en orbite ou les prochaines missions spatiales d’observation de la Terre et du Système solaire auxquelles IPGP est étroitement associé pourront être interprétées grâce à ces nouvelles technologies. Enfin, l’IPGP opère un transfert des méthodes issues de la télédétection vers les observatoires de la zone critique, s’inscrivant dans une volonté forte de contribuer scientifiquement aux enjeux planétaires du 21e siècle.

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