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Test expérimental des processus contrôlant la structuration des grands décrochements continentaux

L’évaluation de l’aléa sismique dans les zones décrochantes continentales (failles le plus souvent verticales le long desquelles deux blocs coulissent horizontalement l'un par rapport à l'autre), telles que la faille de San Andreas aux États-Unis ou la faille du Levant au Proche-Orient, passe par l’intégration dans un même modèle de l’activité sismique passée et présente, des taux de chargement tectonique et, point critique, de la géométrie des failles. La combinaison de ces différentes observations permet de constituer des catalogues synthétiques répertoriant un nombre de séismes suffisamment important pour pouvoir calculer la probabilité qu’un scenario spécifique de rupture se produise

Test expérimental des processus contrôlant la structuration des grands décrochements continentaux

Date de publication : 17/09/2020

Presse, Recherche

Thèmes liés : Système TerreRisques naturels

Dans ce cadre, en dehors de potentielles incertitudes associées aux mesures, les évaluations de l’activité sismique et du taux de chargement tectonique sont difficilement discutables. A l’inverse, la géométrie des failles décrochantes et plus spécifiquement leur structuration le long de la faille est loin de faire consensus. Ainsi, en fonction des approches choisies, les résultats varient drastiquement : les modèles considèrent soit des failles continues, soit des failles plus ou moins segmentées, avec des règles régissant la propagation d’une rupture sismique d’un segment à l’autre.

 

Une équipe de chercheurs de l’IPGP, de CY Cergy Paris Université et de Sorbone Université a tenté, en amont de la modélisation de l’aléa, de mettre en évidence une segmentation systématique des failles, de caractériser l’échelle spatiale pertinente à considérer et d’identifier le ou les paramètres physiques qui contrôlent cette segmentation. Pour ce faire, les scientifiques ont réalisé des expériences analogiques de cisaillement basal dans des boîtes à sable. Une des propriétés du sable est de localiser la déformation et de se comporter comme un analogue d’un matériau cassant, même s’il ne stocke pas d’énergie élastique. Les chercheurs ont donc procédé à une acquisition photographique de la surface de l’ensemble des expériences à pas de temps régulier. En utilisant le code MicMac de corrélation d’images, ils ont pu mesurer précisément les déformations de surface et notamment l’apparition de la segmentation.

A/ Cartographie typique d’une rupture de surface pour un séisme continental (séisme de Landers en Californie en 1992, Mw=7.2). La rupture n’est pas rectiligne mais se décompose en plusieurs segments distincts. B/ Schéma de croissance d’une faille décrochante qui s’initie par une série de fentes de Riedel obliques au cisaillement à la base de la zone cassante de la croûte continentale (~15 à 20 km). Ces fentes ont une géométrie hélicoïdale. Dans une 2e phase, la déformation coalesce le long d’une zone de cisaillement qui recoupe ces fentes de Riedel. C/ Vue en carte d’une expérience en bac a sable avec la trace des fentes de Riedel recoupées par le cisaillement. Ces fentes continuent cependant à contrôler la géométrie latérale du cisaillement.
Expérience de cisaillement. La déformation de surface du matériau, ici la rotation des grains de sable, est mesurée par la corrélation d’images optiques successives acquises au cours de l’expérience. Les 3 instantanés montrent les stades successifs de la localisation de la déformation : 1) Fentes de Riedel, obliques a la direction principal du cisaillement et déconnectées les unes des autres. 2) Quand le déplacement cumulé (indiqué en haut à gauche) augmente, le cisaillement se localise et une zone de faille apparaît qui connecte les fentes de Riedel, accommodant une part croissante de la déformation au dépend de ces fentes qui sont progressivement abandonnées. 3) La zone de cisaillement est complètement localisée au centre de l’expérience. La géométrie de cette zone n’est cependant pas parfaitement régulière, des aspérités géométriques qui structurent latéralement la zone de faille restant visibles là où se trouvaient initialement les fentes de Riedel. Cette expérience montre comment la mise en place initiale de la zone de cisaillement laisse une empreinte au long terme qui structure la géométrie de la zone de faille en définissant une segmentation régulière le long du cisaillement. Le schéma résume cette observation en 3D.

Les principaux paramètres étudiés susceptibles d’avoir un impact sur les différentes expériences ont été la friction interne du matériel (le type de sable et la façon dont il est distribué dans la boîte), la friction basale (la nature du contact entre le sable et le fond de la boîte) et l’épaisseur du sable. Ce dernier paramètre s’est révélé déterminant pour le contrôle de la dimension des segments, avec un ratio constant, proche de 1, entre l’épaisseur du sable et la longueur des segments. L’influence des autres paramètres n’est que secondaire et ne change ce résultat qu’à la marge.

En comparant ces données avec des mesures déjà documentées de la segmentation des ruptures de surface pour les grands séismes décrochants, l’équipe scientifique a pu montrer que le ratio entre longueur des segments et épaisseur de la croûte sismogénique est le même que celui observé expérimentalement entre longueur des segments et épaisseur du sable, suggérant que les mécanismes physiques mis en jeu sont les mêmes.

Cette étude révèle donc l’existence d’une segmentation des grands décrochements continentaux dont les dimensions spatiales sont contrôlées par l’épaisseur de la croûte sismogénique, correspondant à l’épaisseur du sable dans les multiples expériences analogiques mises en œuvre. L’épaisseur de la croûte sismogénique variant assez peu d’un contexte continental à l’autre, ceci explique pourquoi la segmentation des failles telle qu’elle est observée lors des grands séismes semble être toujours la même.

Ce travail offre un cadre physique à la notion de segmentation des failles, qui était jusqu’à présent surtout descriptive et ouvre ainsi la voie à une meilleure intégration de la géométrie des failles dans les modèles d’aléa en pointant les échelles spatiales à considérer plus spécifiquement.

 

Réf : M. Lefevre, P. Souloumiac, N. Cubas, Y. Klinger; Experimental evidence for crustal control over seismic fault segmentation. (2020) Geology ; 48 (8): 844–848. doi: 10.1130/G47115.1

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