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Gaïa: hypothèse, programme de recherche pour le système Terre ou philosophie de la nature? Sur l’importance de l’histoire et la philosophie des sciences pour les géosciences.

16/01/2019

IPGP - Îlot Cuvier

11:00

Séminaires thème Système Terre

Salle P07 Outremer

Sébastien Dutreuil

Un exposé standard a été élaboré à propos de l’hypothèse Gaïa (HG) dans les années 1980, puis a largement diffusé et persiste encore aujourd’hui. Cet exposé affirme qu’HG est une hypothèse scientifique ayant été rejetée par les biologistes de l’évolution en raison des difficultés philosophiques auxquelles se heurtaient ses formulations téléologiques. Il se poursuit généralement par l’idée qu’après ces critiques, il n’est rien resté d’HG sinon une métaphore pseudo-scientifique n’ayant intéressé que les mouvements New age ou le néo-paganisme américain. Parce qu’il se trompe de bout en bout sur l’histoire d’HG, cet exposé fait également une erreur considérable d’appréciation sur les problèmes scientifiques et philosophiques soulevés par HG. Je commencerai par présenter une histoire de l’élaboration et de la réception d’HG. Elaborée conjointement par James Lovelock, ingénieur et chimiste travaillant sur des problèmes de pollution de l’environnement, et par Lynn Margulis, microbiologiste américaine, HG a connu une réception extrêmement riche dans de nombreuses disciplines scientifiques (climatologie, géochimie, sciences de la complexité, écologie) mais aussi au sein de la contreculture environnementale américaine, de l’écologie politique et des philosophies de la nature. À partir de cette présentation historique, je montrerai qu’une difficulté centrale dans la littérature consiste à préciser le statut d’HG. Suivant les contextes, HG a été tantôt considérée comme une hypothèse qu’il s’agit de confronter aux faits, tantôt comme une théorie élaborée à l’aide de modèles, tantôt comme un programme de recherche très large comprenant des revendications méthodologiques et ontologiques pour les sciences de la Terre et de l’environnement ayant donné lieu à la constitution des sciences du système Terre, tantôt enfin comme une philosophie de la nature visant à nous dire ce dont le monde est fait, à reconfigurer des concepts centraux comme ceux de vie, de nature et d’environnement, et à offrir une conception de la nature alternative à celle de la modernité. J’examinerai ensuite chacune de ces lectures d’HG. Je montrerai qu’HG ne doit pas être interprétée comme une philosophie spéculative de la vie élaborée par un ermite New Age, mais doit être comprise comme une nouvelle conception de la Terre permettant de penser les problèmes de pollution de l’environnement global et ayant transformé en profondeur les sciences de la Terre dans la seconde moitié du vingtième siècle. Je proposerai pour finir quelques éléments plus larges – soit synthétisant des recherches existantes, soit plus programmatiques – montrant les raisons pour lesquelles l’histoire et la philosophie des sciences peuvent être utiles et nécessaires pour les scientifiques des géosciences.