Je suis
FR FR
Citoyen / Grand public
Chercheur
Étudiant / Futur étudiant
Entreprise
Partenaire public
Journaliste
Enseignant / Elève

Modélisation de l’altération des minéraux : limites de l’approche réductionniste classique

02/12/2015

IPGP - Îlot Cuvier

13:30

Séminaires Géochimie

Salle 310

Damien Daval

Laboratoire d'hydrologie et de géochimie de Strasbourg

Les interactions entre fluides aqueux et minéraux constitutifs des roches représentent le dénominateur commun de problématiques géologiques, environnementales, sociétales et d’ingénierie variées. Qu’il s’agisse de la vitesse de formation des sols, des flux de consommation du CO2 atmosphérique et de leur impact sur le changement climatique, de la circulation hydrothermale, de la durabilité des matrices de confinement de déchets radioactifs ou du stockage géologique du CO2, la méthode adoptée pour évaluer l’évolution à long terme des flux élémentaires au cours des interactions fluide-roche dans chacun de ces contextes repose fréquemment sur la même stratégie. Cette stratégie, réductionniste par essence, consiste (1) à déterminer en laboratoire, sur des poudres monominérales fraîchement broyées, en conditions contrôlées, les lois de cinétique de dissolution de silicates et (2) à implémenter de telles lois dans des codes de transport réactif où la réactivité d’une roche est décrite comme la résultante de la réactivité de ses minéraux constitutifs. Aujourd’hui, l’application de lois mécanistiques basées sur des expériences de laboratoire sur monominéraux à la modélisation de processus d’altération à grande échelle s’est progressivement substituée à l’approche descendante ou holistique menée dans les années 80, et constitue depuis une pratique incontournable en hydrogéochimie. Cependant, il est admis depuis plus de 30 ans que les lois de vitesse déterminées en laboratoire peinaient à prédire de façon quantitative, sans variable d’ajustement, des processus (tels ceux mentionnés ci-dessus) à grande échelle, dont l’altération dans le régolithe ou à l’échelle du bassin versant. Plus généralement, on estime que les cinétiques d’altération de minéraux déterminées en laboratoire (i) diffèrent de plusieurs ordres de grandeur (1 à 2) d’une étude à l’autre et (ii) surestiment de plusieurs ordres de grandeur (jusqu’à 6) les vitesses d’altération mesurées sur le terrain, soulignant l’urgence de réviser en profondeur notre approche pour modéliser les mécanismes d’interactions fluide-minéral sous-tendant les lois de vitesse associées. Dans cette présentation, j’essaierai de démontrer en quoi l’approche conventionnelle de mesure de cinétique de dissolution des silicates en laboratoire est inadaptée pour déterminer de façon univoque les mécanismes régissant de telles réactions, se répercutant ainsi sur les lois de vitesse qui en découlent. De façon alternative, je présenterai une démarche basée sur l’étude microstructurale des surfaces altérées ouvrant la voie à un nouveau mode de modélisation des interactions fluide-minéral, donnant une importance capitale au contrôle cristallographique de la réactivité minérale. Un résultat majeur des travaux en cours suggère que l’utilisation de lois isotropes et macroscopiques globales est conceptuellement inadaptée pour rendre compte de processus intrinsèquement anisotropes. Je montrerai enfin comment tirer profit de l’anisotropie de la réactivité minérale pour mieux contraindre les cinétiques d’hydrolyse des différentes liaisons chimiques existant au sein d’un silicate et améliorer ainsi notre capacité de modélisation des vitesses d’altération des minéraux.