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Biogéochimie environnementale

Biogéochimie environnementale

L’équipe BGE, Biogéochimie Environnementale étudie la biogéochimie des enveloppes fluides superficielles de la Terre et de leurs interfaces.

 

Thème de l’équipe et positionnement scientifique

L’équipe étudie la circulation et le rôle biogéochimique de la matière transportée par l’air et l’eau présente à la surface du globe, en interaction avec la biosphère et la lithosphère. Elle est focalisée sur le présent, appelé maintenant anthropocène, qu’elle cherche à placer à la fois par rapport au passé récent de l’holocène et aux projections futures calculées par les modèles, dans une logique d’évolution rapide des cycles biogéochimiques.

Comme il s’agit de biogéochimie, le thème de l’équipe est imbriqué avec les problématiques liées au cycle du carbone et au climat. Dans le référentiel thématique de l’IPGP, l’équipe est incluse dans ce qui est appelé « Système Terre » en pouvant traiter tous les aspects de liaison entre l’environnement global et celui de la zone critique telle qu’elle est abordée par les autres équipes au sein de l’IPGP.

L’équipe BGE travaille dans différents lieux du monde tant pour des expériences de terrain que de laboratoire. Ses activités de laboratoire se situant majoritairement dans le bâtiment de l’IPGP à Paris.

Decorative Earth planet

Terre fluide (image satellite Meteosat, ESA)

Les éléments traces et leurs isotopes (TEIs) ainsi que les petites molécules carbonées sont les espèces chimiques avec lesquelles nous menons nos travaux. Certains métaux traces comme le fer, le zinc, le molybdène ou le cobalt constituent des micronutriments essentiels dont les flux de leur fraction biodisponible contrôlent le développement du vivant et les flux biologiques de CO2. D’autres TEIs, comme les terres rares (REEs) dont fait partie le néodyme et ses isotopes, nous servent à tracer les sources et les processus de transport et de transformation des éléments majeurs et traces dans l’environnement et nous permettent de mieux en caractériser leurs cycles. Nous étudions ici les interactions entre les micronutriments, les micro-organismes et les flux de carbone dans un contexte de changement climatique. Nous utilisons les variations des isotopes et éléments traces dans les milieux étudiés comme proxies pour reconstruire les conditions physico- et biogéochimiques des environnements passés et les processus qui les déterminent.

Notre équipe a développé une forte expertise sur le prélèvement et l’analyse des traces inorganiques dans les phases fluides (dissoute, micro et nano particulaire, soluble, colloïdale) et de leur spéciation chimique (organique, inorganique, redox, isotopique), grâce à l’utilisation et aux développements de techniques de pointe (HR-ICP-MS, MC-ICP-MS, FIA-chemiluminescence, voltammétrie). Pour étudier les cycles et processus à différentes échelles spatiales et temporelles (chimique, géologique, biologique, environnementale et climatique), nos approches s’appuient sur des observations de terrain (campagnes de prélèvements à terre et en mer), des expérimentations en conditions contrôlées (abiotiques et biotiques), des reconstructions paléo-biogéochimiques (analyses de sédiments marins et d’environnements actuels analogues à l’océan ancien, et à travers des simulations expérimentales), et sur l’utilisation d’outils statistiques géo-chimiométriques.

Bouteilles utra propres

Systèmes de prélèvement ultra-propre des métaux traces et isotopes dans l’eau de mer (Rijkenberg et al., 2015) et du dépôt atmosphérique sur une surface continentale (Xu, 2020).

L’équipe émarge dans des programmes nationaux pilotés par le CNRS (LEFE-CYBER, LEFE-CHAT, EC2CO, PolarPod) et internationaux (GEOTRACES, SOLAS, IMBER, FutureEarth). Elle utilise et participe à la plateforme instrumentale PARI.

Actions, projets et chantiers en cours

Aujourd’hui, les activités de recherche de l’équipe BGE portent sur les cycles biogéochimiques, la pompe biologique de carbone dans les enveloppes superficielles fluides, l’influence du transport atmosphérique sur les écosystèmes et sur la reconstruction de la variabilité biogéochimique de l’océan à des échelles de temps géologiques et du dernier millénaire.

Plusieurs questions sont adressées dans ces actions de recherche :

  1. Quel est le fonctionnement des cycles biogéochimiques (sources/puits, processus et flux) du carbone et des micronutriments (principalement Fe, Co, Zn, Cd, Mo, Cu, Mn) dans les enveloppes superficielles fluides et à leurs interfaces (eau-air, eau-sédiment, eau-continent, air-continent) et les écosystèmes en général ?
  2. Comment sont-ils perturbés par la variabilité du climat et les activités anthropiques?
  3. Comment tracer ces perturbations?
  4. Comment sont-ils couplés aux cycles d’autres éléments d’intérêt biologique (N, Si, P, S …)?
  5. Quelles sont les réponses des processus biologiques et la sensibilité de l’efficacité du pompage biologique du carbone par les micro-organismes face à la variabilité climatique qui conduit actuellement au réchauffement et à l’acidification des eaux, à la modification des apports atmosphériques en micro- et macro- nutriments, et face à la pression anthropique ?
  6. Quel est le rôle du transport atmosphérique dans la stabilité des écosystèmes marins et continentaux?

Nous travaillons aujourd’hui principalement autour de l’étude de la solubilité et de la biodisponibilité des poussières patagoniennes dans l’Océan Austral actuel (projet PolarPod) et futur (projet SAGAS), des signes d’anthropisation de ce même océan (projet PolarPod), de l’impact de l’apport saharien à la végétation américaine nord tropicale (projet SAHAFRAN), et de la géochimiométrie.

  • Solubility and bioavailability of Patagonian dust in the future Southern Ocean – Le projet SAGAS (PI Marie Boye) soutenu par l’IDEX en 2019-2020 vise à diagnostiquer les effets de l’intensification du dépôt atmosphérique et des autres changements prédits à l’horizon 2100 dans l’Océan Austral (réchauffement, acidification…) sur la solubilité et la biodisponibilité des métaux traces contenus dans les poussières de Patagonie. Une augmentation de l’apport de poussières a en effet le potentiel de modifier le climat planétaire en fournissant du fer et d’autres micronutriments limitants essentiels aux diatomées Antarctiques, stimulant ainsi la pompe biologique de carbone. Le projet s’appuie sur des expérimentations abiotiques (études cinétiques) et biotiques (cultures de diatomées et de l’écosystème microbien naturel), sur des campagnes en mer réalisées dans le cadre du Service d’Observation OISO de l’INSU (PI Claire Lo Monaco, LOCEAN, IPSL), ainsi que sur des traitements d’analyse statistique permettant de réduire le plan expérimental. Ce projet bénéficie de l’exploitation en cours des données et des échantillons du projet Dust From Patagonia (PI Rémi Losno) qui a permis depuis 8 ans de collecter des poussières patagoniennes et leurs sources afin d’en déterminer leurs caractéristiques chimiques à mettre en regard de leur potentialité de fertilisation.

Austral dust Diatom decoration

Charge de poussière atmosphérique moyenne annuelle (kg.m−2) dans l’Océan Austral (Li et al., 2008) / Image MEB des valves de la diatomée antarctique Fragilariopsis kerguelensis (F. Hinz, AWI).

  • Apport Saharien à la végétation américaine nord tropicale – Le projet SAHAFRAN (PIs Rémi Losno et Céline Dessert) a permis de récolter une quantité importante de données sur la dynamique et le flux de l’apport saharien aux écosystèmes caribéens, mettant en évidence une variabilité interannuelle significative des flux sur un suivi de trois ans. Ce projet se poursuit donc par un programme FEDER sur la surveillance de la quantité de particules fines en suspension dans l’air guadeloupéen qui va permettre, sur une période plus longue, de comprendre et d’expliquer la variabilité de l’apport saharien.

Evolution du rapport K/P en fonction du rapport Zn/P dans les dépôts atmosphériques récoltés pendant 3 ans en Guadeloupe. L’échelle de couleur entre le jaune et le rouge représente l’intensité de ce flux. Figurent en vert (feuilles) des échantillons de litière collectés sur place, en noir des données de la littérature sur les feuilles et les insectes, et en vert (losanges) les données issues de la littérature dans le phytoplancton marin.  Le rapport crustal est signalé par une étoile rouge. On peut voir que l’évolution de ce rapport indiquerait un mélange entre deux pôles biologiques, les insectes et un aérosol marin enrichi en zinc par des débris de phytoplancton (Xu, 2020).

  • PolarPod – Ce projet de longue haleine a débuté il y a 4 ans par la création d’un consortium public-mécénat privé pour fabriquer, armer et opérer une bouée dérivante habitée en zone subantarctique. L’expérience débutera dans 2 ans, l’équipe participe à l’axe 1 du projet (biogéochimie marine et impact atmosphérique) et dirige son axe 4 (anthropisation de la zone subantarctique).

Trajectoire prévue du PolarPod (en vert) et de son navire d’accompagnement (en rouge)

  • Géochimiométrie – Ce néologisme condense en un mot une réflexion scientifique destinée à mettre au service de la géochimie les avancées réalisées dans le domaine de la chimiométrie et de l’analyse statistique des données compositionnelles d’échantillons environnementaux. En bref, les mesures dans l’environnement sont en général difficiles car réalisées dans des matrices compliquées qui apportent des biais importants, notamment sous la forme de dilutions. Nous espérons entre autres révolutionner la façon dont on utilise les profils de terres rares en proposant une méthode d’analyse de ces profils qui en extrait toutes les informations qu’ils contiennent dans les variations compositionnelles relatives des quatorze lanthanides.

Biplot des profils de terres rares obtenus par analyse compositionnelle dans les retombées atmosphériques collectées à Kerguelen et dans l’archipel des Îles Crozet (région subantarctique secteur indien). Cette analyse montre clairement l’homogénéité des sources du dépôt à Kerguelen qui sont différentes des sources à l’origine du dépôt sur les îles Crozet.

Le second volet vise à reconstruire l’évolution des conditions biogéochimiques de l’océan anthropocène et de l’océan ancien. Nous nous intéressons plus particulièrement à retracer l’acidification et le réchauffement actuel des eaux de surface, pour lesquels nous développons des proxies géochimiques dans les biominéraux carbonatés du phytoplancton (coccolithes). L’analyse d’éléments traces et du carbone dans des environnements aqueux actuels mais analogues aux conditions de l’océan ancien (Lac Pavin et Mer Noire) nous permet aussi de reconstruire l’évolution biogéochimique de l’océan à travers les âges géologiques.

  • Cycle géologique du cobalt dans l’océan ancien – Le projet GEOTRACES-Med.&Black Seas (PI Marie Boye) visait entre-autre à reconstruire l’évolution du cycle du cobalt dans l’océan ancien, micronutriment indispensable à l’apparition des premiers organismes photosynthétiques, les cyanobactéries. Nous avons mené cette étude en Mer Noire puisqu’elle constitue un excellent analogue de l’océan ancien, où les eaux euxiniques (anoxiques et sulfidiques) profondes sont similaires à celles de l’océan durant l’ère Protérozoïque, les eaux suboxiques intermédiaires à celles de la période de ré-oxygénation au Cénozoïque et les eaux oxiques en surface à celles des eaux oxygénées et ventilées de l’océan moderne. L’étude s’étend actuellement à la caractérisation de la spéciation chimique du cobalt, en particulier de sa spéciation organique qui est l’une des clés de la réactivité géochimique et de la biodisponibilité des métaux traces dans l’océan actuel.

Profils des rangs de concentrations en oxygène dissous, sulfure d’hydrogène et cobalt dissous dans les différentes couches de la colonne d’eau de la Mer Noire (Boye et al., in prep.).

  • Acidification et réchauffement de l’océan anthropocène et biocalcification pélagique – Certains éléments incorporés dans les structures carbonatées des micro-organismes pélagiques marins (coccolithophoridés) pourraient servir à reconstruire les variations de pH (acidification) et de la température (SST) des eaux de surface, et/ou à comprendre les mécanismes physiologiques de biocalcification du phytoplancton. Des effets vitaux peuvent en effet intervenir lors de l’incorporation de ces éléments dans la biocalcite, en introduisant des biais dans les reconstructions du pH et de la SST des eaux de surface mais en renseignant sur les modalités de précipitation des biominéraux carbonatés dans les coccolithophoridés. Ces effets doivent donc être évalués et calibrés. Pour cela, nous poursuivons nos travaux sur la calibration de proxies géochimiques dans les coccolithes pour les reconstructions du pH (δ11B, B/Ca) et de la température (Sr/Ca, Li/Mg) des eaux de surface, ou pour leur utilisation comme proxies du pH dans la vésicule interne de formation de la biocalcite. Notre approche s’est basée sur des expérimentations en cultures dans le cadre du projet proCOCA (PI Marie Boye) et porte actuellement sur l’analyse géochimique des coccolithes enfouis dans les sédiments marins récoltés dans différents bassins océaniques.

Images MEB d’une souche très calcifiante du coccolithophoridé Emiliania huxleyi collectée dans l’upwelling du Pérou (à gauche) et d’une souche peu calcifiante isolée dans les eaux de surface de l’océan Pacifique (à droite), que nous avons cultivé à différents pH (Delebecque et al., in prep.).

  • Caractérisation des signatures isotopiques et chimiques de bactéries magnétotactiques (MTB) dans la colonne d’eau du lac Pavin (ANR SIGMAG 2019-2021, PI Vincent Busigny, IPGP) – Afin de pouvoir distinguer dans le registre sédimentaire les magnétites d’origine biologique de celles précipitées par voie abiotique, il est nécessaire de caractériser finement les signatures associées à chaque type. Les MTB produisent divers composés du fer, dont la composition isotopique (δ56Fe) et le cortège d’éléments traces associés sont différents des magnétites abiotiques, ce qui permet de les distinguer et de donner des preuves de vie dans des séquences anciennes. La partie du programme qui incombe à l’équipe consiste à préciser les conditions environnementales dans lesquelles les MTB se développent, de les prélever à haute résolution dans la colonne d’eau d’un lac stratifié de façon permanente (lac méromictique tel que le lac Pavin), et de rechercher des solutions de concentration efficaces afin de les séparer des autres microorganismes et d’en disposer d’une quantité suffisante pour les différentes analyses.
  • Contribution des MTB à la séquestration du phosphore dans les zones de transition oxique-anoxique, cas du lac Pavin (ANR PHOSTORE 2020-2022, PI Elodie Duprat, IMPMC, Paris 6) – Outre des magnétites, les MTB forment d’autres types de biominéraux : les polyphosphates. Cette capacité qui était quasiment inconnue auparavant chez ces microorganismes a été mise en évidence dans les MTB de la colonne d’eau du lac Pavin. Il s’agit de préciser l’importance de la séquestration du P dans le cycle biogéochimique de cet élément dans un lac bien caractérisé par ailleurs. Ce projet s’articule avec le précédent projet traitant des magnétites synthétisées par les MTB. De la même façon il s’agit pour l’équipe de préciser les niches environnementales dans lesquelles ces MTB prospèrent, et de les prélever à haute résolution et en quantité suffisante dans la colonne d’eau. Les données relatives aux MTB sont confrontées au cycle biogéochimique du P dans le lac, le but étant de déterminer la contribution des MTB au cycle de cet élément dans des conditions environnementales qui ont pu être importantes dans le passé pour la constitution de dépôts riches en P.