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Des hétérogénéités anciennes préservées découvertes dans le manteau de Mars grâce aux données de la mission InSight

Une équipe internationale menée par l’Imperial College London, l'Institut de Physique du Globe de Paris / Université Paris Cité, l'Université John Hopkins, l'Université d'Oxford et le Jet propulsion Laboratory révèle dans la revue Science du 28 août 2025, que le manteau Martien actuel recèle une multitude de fragments hétérogènes de tailles kilométriques. Ces hétérogénéités seraient le fruit de processus de différentiation vieux de plus de 4 milliards d’années, et ont été mis au jour grâce aux données de l’atterrisseur InSight de la NASA et à son sismomètre SEIS, conçu en France sous la responsabilité scientifique de l’Institut de Physique du Globe de Paris (IPGP, Université Paris Cité/CNRS) avec le soutien du CNES et de partenaires européens.

Des hétérogénéités anciennes préservées découvertes dans le manteau de Mars grâce aux données de la mission InSight

Représentation de l'évolution de Mars depuis un violent impact survenu il y a plus de 4 milliards d'années jusqu'à la planète que nous connaissons aujourd'hui. @vadimsadovski / Imperial College London

Date de publication : 28/08/2025

Presse, Recherche

Des fragments hétérogènes anciens distribués sous la surface 

En étudiant huit séismes martiens de haute fréquence, les chercheurs ont mis en évidence des anomalies dans la propagation des ondes sismiques anormalement lentes, révélant la présence d’hétérogénéités de 1 à 4 km au sein du manteau qui « freinent » la propagation d’ondes sismiques au contact de ces fragments kilométriques. En remontant le temps, les chercheurs ont conclu que ces homogénéités dont la taille s’est progressivement réduite au cours du temps proviendraient de processus très anciens possiblement liés à des astéroïdes entrés en collision avec Mars à l’aube du Système solaire.

En impactant la surface de la planète, ces astéroïdes ont pu générer des océans de magma dont la solidification aurait créé des hétérogénéités de composition. Ces impacts auraient également entraîné avec eux des fragments anciens de croûte et de lithosphère dans le manteau en profondeur. Sur Terre, la tectonique des plaques recycle en permanence la croûte océanique et la lithosphère, qui sont progressivement mélangées avec d’autres hétérogénéités anciennes par la convection. Sur Mars, où au contraire la tectonique des plaques est absente et la convection du manteau moins vigoureuse, ce recyclage permanent ne peut avoir lieu, et le brassage est moins efficace. Le fait que ces structures fines aient pu survivre et soient encore visibles aujourd’hui démontre que Mars n’a pas connu la même évolution que notre planète.

« Nous navions jamais observé lintérieur dune planète avec un tel niveau de détail », explique Constantinos Charalambous (Imperial College). « Le manteau de Mars est parsemé de fragments antiques, dont la préservation témoigne de l’évolution lente et peu vigoureuse de la planète rouge. »

« La survie de ces fragments à plusieurs milliards d’années de brassage convectif apporte également de précieuses informations sur la rhéologie du manteau Martien. », précise Henri Samuel, chercheur au CNRS (IPGP/UPC) et co-auteur de l’étude. « Le manteau Martien serait plus rigide que sur Terre, limitant ainsi la déformation et le mélange des hétérogénéités anciennes. »

« Ces résultats confirment que Mars conserve une mémoire géologique unique, alors que la Terre, par sa tectonique active, a effacé les traces similaires de son passé », ajoute Thomas Pike (Imperial College), co-auteur de l’étude.

La contribution des équipes françaises et européennes

Déployé à la surface de Mars en 2018, SEIS (Seismic Experiment for Interior Structure) a enregistré 1 319 séismes Martiens avant la fin de la mission en décembre 2022. Cet instrument ultra-sensible a été fourni par le CNES à la NASA, avec pour responsable scientifique Philippe Lognonné (IPGP).

Ces nouvelles observations montrent toute la richesse scientifique encore contenue dans les données d’InSight. : « Découvertes après découvertes, Mars se distingue par une structure interne très différente de celle de la Terre. Et en comparant ainsi les planètes telluriques, nous ne pouvons que constater l’unicité de la Terre », souligne Philippe Lognonné Professeur à l’Université Paris Cité et co-auteur de l’étude.

Sources

Seismic evidence for a highly heterogeneous Martian mantle

C. Charalambous, W. T. Pike, D. Kim, H. Samuel, B. Fernando, C. Bill, P Lognonné, W. B. Banerdt, Science, 2025

 

https://www.science.org/doi/10.1126/science.adk4292

 

@vadimsadovski / Imperial College London

 

Représentation de l’évolution de Mars, allant dans le sens inverse des aiguilles d’une montre, depuis un violent impact survenu il y a plus de 4 milliards d’années jusqu’à la planète que nous connaissons aujourd’hui. Des impacts au début de l’histoire de Mars ont créé un ou plusieurs océans de magma et auraient pu enfouir des fragments anciens dans les profondeurs de la jeune planète. La solidification rapide des océans de magma aurait également généré des hétérogénéités anciennes. En refroidissant, Mars a formé une croûte solide, et un couvercle stagnant qui a emprisonné la chaleur et ralenti les mouvements interne de la planète.

 

Par la suite, pendant plusieurs milliards d’années, l’intérieur de Mars a évolué sous l’effet de lents courants de convection qui ont déformé et partiellement mélangé ces anciennes structures, laissant derrière eux un intérieur hétérogène composé de vestiges dispersés dans le manteau silicaté. Ces débris survivants – certains de grande taille, mais d’autres beaucoup plus petits et dispersés – constituent une capsule temporelle géologique, préservant des indices sur les premiers instants de la planète. Aujourd’hui, les ondes sismiques provenant d’un impact météoritique récent, beaucoup plus petit que les impacts initiaux, traversent cet intérieur complexe. En étudiant la dispersion et l’évolution de ces ondes, l’atterrisseur InSight de la NASA a révélé des détails cachés sur le passé profond ainsi que sur l’histoire de la planète rouge.

À propos d’InSight et de SEIS :

La mission InSight de la NASA a officiellement pris fin en décembre 2022 après plus de quatre années de collecte de données scientifiques uniques sur Mars.

Le JPL a géré la mission InSight pour le compte de la Direction des missions scientifiques de la NASA. InSight fait partie du programme Discovery de la NASA, géré par le Marshall Space Flight Center (MSFC), établissement de la NASA à Huntsville, Alabama. Lockheed Martin Space à Denver a construit la sonde InSight, y compris son étage de croisière et son atterrisseur, et a soutenu l’exploitation de l’engin spatial pour la mission. Le CNES a été le maître d’œuvre de SEIS et l’Institut de physique du globe de Paris (Université Paris Cité/IPGP/CNRS) en a assuré la responsabilité scientifique. Le CNES finance les contributions françaises, coordonne le consortium international (*) et a été responsable de l’intégration, des tests et de la fourniture de l’instrument complet à la NASA. L’IPGP a conçu les capteurs VBB (Very Broad Band pour très large bande passante), les a testés avant leur livraison au CNES et contribue à l’opération des VBBs sur Mars. 

Les opérations de SEIS et d’APSS ont été menées par le CNES au sein du FOCSE-SISMOC, avec le soutien du Centro de Astrobiologia (Espagne). Les données de SEIS sont formatées et distribuées par le Mars SEIS Data Service de l’IPG Paris, dans le cadre du Service National d’Observation InSight auquel contribue également le LPG et, pour les activités Sismo à l’Ecole, GéoAzur. L’identification quotidienne des séismes a été assurée par le Mars Quake Service d’InSight, un service opérationnel collaboratif mené par ETH Zurich auquel contribuent également des sismologues de l’IPG Paris, l’Université de Bristol (UK) et Imperial College London (UK).

Plusieurs autres laboratoires du CNRS dont le LMD (CNRS/ENS Paris/Ecole polytechnique/Sorbonne Université), le LPG (CNRS/Nantes Université/Le Mans Université/Université d’Angers), l’IRAP (CNRS/Université de Toulouse/CNES), le LGL-TPE (CNRS/Ecole normale supérieure de Lyon/Université Claude Bernard Lyon 1), l’IMPMC (Sorbonne Université/Muséum national d’Histoire naturelle/CNRS) et LAGRANGE (CNRS/Université Côte d’Azur/Observatoire de la Côte d’Azur) participent avec l’IPGP et l’ISAE-SUPAERO aux analyses des données de la mission InSight. Ces analyses ont été soutenues par le CNES et l’Agence nationale de la recherche dans le cadre du projet ANR MArs Geophysical InSight (MAGIS).

(*) en collaboration avec SODERN pour la réalisation des VBB, le JPL, l’École polytechnique fédérale de Zurich (ETH, Zürich Suisse), l’Institut Max Planck de Recherche du Système solaire (MPS, Göttingen, Allemagne), l’Imperial College de Londres et l’université d’Oxford ont fourni les sous-systèmes de SEIS et participent à l’exploitation scientifique de SEIS.

Contacts :
IPGP :
Pierre-Yves Clausse

+ 33 (0)6 51 67 84 83

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