Il termine ses études par un diplôme en 1963, sous la direction de François Ellenberger, sur la géologie des hauts massifs calcaires des Alpes Ligures, son premier contact avec l’Italie. Il est immédiatement recruté comme assistant à la Faculté des Sciences qui deviendra un composant de l’Université Pierre et Marie Curie (UPMC) où il devient maître assistant en 1971.
Une visite au Val d’Aoste en 1964 est une révélation. Fasciné par les roches qu’il y observe, il décide de s’orienter vers la pétrologie des roches métamorphiques et son application à la géologie alpine. Commencent alors de nombreux et fructueux contacts et collaborations, en France et en Italie. On peut citer Renaud Caby, Giorgio Vittorio dal Piaz, Guido Gosso, Bruno Lombardo, et tant d’autres. Dans les années qui suivent, il devient un expert incontesté de la pétrologie métamorphique, dont il contribue à la modernisation en France. Il applique les relations de phase et l’analyse chimiographique à la détermination des chemins pression/température/temps des roches et à la reconstitution de leur l’évolution géodynamique. Il se concentre sur les zones internes des Alpes, en particulier sur roches de la croûte océanique et des sédiments associés subductés à haute pression. La soutenance de son doctorat d’Etat en 1983 sera l’aboutissement de ces travaux. Il est nommé professeur à l’Université Paris Diderot en 1985.
Son expertise reconnue le conduit aussi à être très sollicité dans la communauté pour participer à de nombreux projets pour lesquels il apporte des contraintes pétrologiques aux reconstitutions géodynamiques. Son horizon s’élargit considérablement puisqu’il étudie des roches collectées un peu partout dans le monde, et participe à des missions de terrain, en particulier au Pakistan, en Grèce et en Norvège. Maurice Brunel, Hervé Leloup, Jimmy Bertrand, Nicole Santarelli, Joelle Carpena, Bruno Goffé, sont parmi ceux qui lui ouvrent ces nouveaux horizons.
Mais sa «seconde vie géologique» est la découverte du Hoggar. En 1982, il y effectue sa première mission avec Khadidja Ouzegane, Université des Sciences et des technologies (U.S.TH.B., Alger). C’est une révélation à la fois géologique et culturelle. Il y retournera plus de trente fois. Il lance de grands projets en collaboration entre l’U.S.T.H.B., l’Université Paris-Diderot, l’Université de Rennes et l’Université de Montpellier, s’appuyant sur de nouvelles collaborations, en particulier Serge Fourcade, Michel Guiraud, Gaston Godard, Jean-Louis Bodinier, Abderrhamane Bendaoud, et Zouhir Adjerid parmi tant d’autres. Il a joué un rôle essentiel dans la compréhension de l’évolution géodynamique du Hoggar où il a recherché simultanément les traces d’une tectonique primitive de l’Archéen–Paléoprotérozoïque et celles de la tectonique des plaques moderne au Néoprotérozoïque Grâce à ses travaux, les terrains métamorphiques du Hoggar parmi les plus anciens d’Algérie ont été mieux reconnus. En 2006, il est l’invité d’honneur d’un colloque international coorganisé par l’UNESCO (IGCP 485) et l’U.S.T.H.B. qui réunit 150 chercheurs. Sa passion pour le Hoggar était immense, et, au-delà de la géologie, il s’était plongé dans la culture touareg. Sa maîtrise instinctive de l’orientation dans l’immensité du désert, comme s’il en connaissait chaque souffle et chaque relief, impressionnait tous ceux qui ont eu la chance de l’accompagner sur le terrain.
Pendant la plus grande partie de sa carrière, ses recherches ont été menées dans le cadre du Laboratoire de Pétrologie associé à l’UPMC, dont il sera le directeur (1992-1998). Il y a supervisé le service de microsonde électronique CAMPARIS qui a produit d’énormes quantités de données pour la communauté. Mais en 2001, il rejoint l’IGPG dans le cadre de la création de l’équipe de Géosciences Marines avec Catherine Mével et Satish Singh. Il a alors l’occasion de participer à une campagne océanographique dont il gardait un souvenir précieux. En 2008, il organise une mémorable excursion dans le Hoggar, son terrain favori, dont tous les participants se souviennent avec émotion. En 2013, un colloque dédié à Jean Robert Kienast et Giorgio Vittorio Dal Piaz a rassemblé plus d’une centaine de participants à Cervinia au Val d’Aoste, sur les lieux de ses premiers pas, et a permis de mesurer son influence sur la communauté de la pétrologie métamorphique.
Jean-Robert a été l’un des meilleurs experts de la pétrologie métamorphique en France et ses travaux feront date. Mais c’était également un pédagogue hors pair et il a initié de nombreux étudiants à cette discipline qu’il décrivait avec humour comme un travail de détective. Il savait vous faire vibrer à la beauté des roches, mais aussi vous faire comprendre toute l’information qu’elles contiennent. Il a encadré une vingtaine de thésards et de nombreux jeunes chercheurs italiens et algériens sont venus se former auprès de lui. Nombre d’entre eux occupent des postes un peu partout en France, en Italie, en Algérie et au-delà. Tous reconnaissent l’influence de sa pensée scientifique. Son impact a été aussi reconnu par la Société Française de Minéralogie et Cristallographie dont il a été le Président.
Il était une personnalité discrète, et ne se mettait jamais en avant. Son humour fin et discret, qui savait alléger les moments les plus intenses, restera gravé dans nos mémoires. Il était plein d’enthousiasme, d’une grande culture et d’une curiosité insatiable pour les Sciences de la Terre et plus largement pour tout ce qui était autour de lui. Il laissera un souvenir marquant pour tous ceux qui ont eu la chance de le côtoyer.
Catherine Mével et Khadidja Ouzegane