Analyse des flux sédimentaires des badlands alpins par télédétection LiDAR et imagerie optique
02/12/2025
IPGP - Îlot Cuvier
13:30
Soutenances de thèses
Amphithéâtre
Yassine Boukhari
Planétologie et sciences spatiales (PSS)
Le changement climatique contemporain menace les équilibres de la zone critique, la couche superficielle de notre planète située à l’interface entre l’atmosphère et la croûte terrestre continentale. En particulier, l’augmentation de l’intensité et de la fréquence d’événements climatiques paroxystiques est susceptible de modifier la dynamique des paysages, supports de la biodiversité et des sociétés humaines. Dans ce contexte, les formations de badlands humides, comme celles des “Terres Noires” de la Durance dans les Alpes françaises, se caractérisent déjà par une susceptibilité exceptionnelle aux précipitations intenses. On y observe des taux d’érosion parmi les plus élevés au monde, pouvant dépasser le centimètre de régolithe par an, soit plus de 200 t/ha/an. Depuis 1983, l’observatoire de Draix-Bléone instrumente par des stations hydro-sédimentaires plusieurs de ces petits bassins versants torrentiels, ainsi constitués en laboratoires naturels de l’érosion, afin d’examiner les interactions complexes opérant au sein de ces systèmes réactifs et de saisir leurs dynamiques face à l’évolution des forçages climatiques. En permettant d’observer les processus géomorphologiques à des résolutions et sur des étendues spatiales et temporelles parfois inaccessibles aux approches traditionnelles, les techniques de télédétection ouvrent désormais de nouvelles perspectives pour l’étude de ce type d’environnements. Cette thèse l’illustre en s’efforçant de quantifier et de spatialiser la production sédimentaire des formations de badlands par l’exploitation de données topographiques issues de levés LiDAR aéroportés et de campagnes aériennes d’imagerie optique. En associant l’analyse d’une telle série temporelle LiDAR sur six ans aux données de chroniques hydro-sédimentaires à l’exutoire d’un bassin de 86 ha, l’approche développée permet, en premier lieu, d’évaluer la correspondance entre les bilans de masse réalisés à l’échelle des pentes dénudées de ces bassins avec l’export sédimentaire mesuré dans le torrent par la station. L’estimation des variations locales de masse permet ensuite d’évaluer la contribution des processus de pente identifiés, ainsi que la production sédimentaire des différents compartiments géomorphologiques constitutifs de ces badlands (crêtes, versants, réseau hydrographique). On détermine ainsi que les mouvements de terrain contribuent à hauteur d’environ 15% de l’export sédimentaire du bassin sur la période considérée et que la production sédimentaire est environ quatre fois plus importante aux aires drainées submétriques que pour le reste des pentes dénudées. L’apport relatif des données LiDAR et photogrammétriques est également étudié : si les données photogrammétriques sont jugées insuffisamment précises pour une analyse diachronique quantitative à l’échelle d’un tel bassin sur six ans, elles peuvent toutefois enrichir qualitativement les analyses menées à partir des données LiDAR, et servir de support quantitatif - comme les mesures de LiDAR terrestre - lorsque l’étude se concentre sur une portion de versant. Enfin, la thèse discute des perspectives méthodologiques, ainsi que d’adaptation de l’approche proposée à l’analyse en série temporelle de la dynamique saisonnière du réseau hydrographique de ce type de bassins, à partir de données LiDAR terrestres et aéroportées.
Mots clefs : LiDAR, photogrammétrie, badlands, production sédimentaire, unités géomorphologiques, séries temporelles, érosion, zone critique